Les nus de Jean Vaugeois

Nu

Le nu est un exercice difficile. Depuis des siècles dans la peinture occidentale, les artistes peignent le corps avec brio et virtuosité...
Jean Vaugeois fait partie de ceux là.
Kenneth Clark a montré que le nu était une forme d'art beaucoup plus qu'un sujet. Forme d'art qui évolue considérablement au cours des siècles.
L'on connaît la répugnance marquée du Moyen Àge à représenter la nudité, due à la destination religieuse de l'Art et à la méconnaissance de la beauté formelle des corps. La Renaissance va transformer les idées et les moeurs et changer la vision du monde, le Nu symbolisera alors l'harmonie de l'homme et de la nature. Et c'est à partir du XVI eme Siècle qu'il va devenir un thème majeur d'inspiration pour les artistes, atteignant son point de perfection dans la volupté avec Boucher et Fragonnard au XVIII eme.
Les recherches formelles et plastiques du XIX eme et XX eme transformeront définitivement la représentation des corps et Jean Vaugeois est l'héritier de cette tradition picturale.

En effet, dans ses Nus, pas question de rendre le tissu, la transparence de la peau, la consistance de la chair, le relief des muscles. Il considère le nu comme un thème pictural quelconque soumis au problème de la couleur et de la matière. Il règle la question de l'intégration de la figure au fond coloré au détriment de sa matérialité.
ll n'y a pas, dans les nus de Jean Vaugeois d'identification de l'espace, mais un pur jeu graphique de longues lignes flexibles où les corps se réduisent à des volumes et dégagent l'impression de formes abstraites.

Le dessin est nerveux, d'une grande vivacité, il se fige parfois en se schématisant, l'on devine les corps entremêlés dans une ligne souple qui cerne les contours qu'elle semble emprisonner.
Vaugeois a cette façon bien particulière de styliser, désarticuler avec un graphisme appuyé. Les corps s'enroulent et deviennent magnifiquement synthétiques. Il frôle l'abstraction dans la forme choisie mais sans jamais l'atteindre complètement. La référence aux corps et aux positions est omniprésente, il privilégie les masses auxquelles le corps féminin peut se résumer mais sans jamais porter atteinte à son identification.

Ses compositions sont construites dans un agencement de formes de corps étendus et le mouvement qui lie ses couples se retrouve dans l'anatomie de chacun des protagonistes de la scène.
les lignes et les volumes sont enchaînés dans un savant jeu de courbes véhémentes où l'on devine la nudité des corps, leur aspect charnel, les positions...traduction plastique d'une idée que la morale interdit.

Que ce soit dans ses petits formats ovales aux formes courbes ou dans ses grands formats désarticulés, Jean Vaugeois n'accorde aucune place aux accessoires, ni identification des lieux...
l'érotisme du dessin suffit...

Béatrice Riou historienne de l'art


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